Pascal, un maître pour la jeunesse

« Entrer dans la vérité par la charité »

À la suite de la plupart des saints, cet orphelin de mère à l’âge de trois ans, tout en étant un enfant surdoué et un élève studieux, s’est révélé très obéissant à son père, Étienne Pascal. Ce dernier lui a communiqué sa passion pour les sciences, mais il lui a interdit jusqu’à ses 15 ans l’étude des mathématiques pour qu’il apprenne le grec et le latin.
Il deviendra et restera un étudiant modèle par-delà la mort de son père, le 24 septembre 1651.

Un modèle de conversion au Christ

Au jeune qui court après toutes les passions de sa jeunesse en tous sens, Pascal rappelle que Dieu seul peut rassasier sa soif d’aimer et d’être aimé. L’amour de Dieu est non seulement la plus haute forme d’amour, mais surtout la source de tout amour. Il est l’amour le plus stable et le plus éternel : « Rien n’est digne d’amour que vous, puisque rien n’est durable que vous [1] ».

Au jeune qui se décourage dans sa recherche de Dieu de parvenir à le trouver, il lui apprend que la vie avec lui consiste dans une ascension spirituelle continuelle : « Console-toi, dit Jésus à l’âme, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé [2] » et qu’il est plus son ami intime que son meilleur ami en ce monde.

Au jeune qui poursuit sa conversion en prenant tous les moyens que lui offrent l’Église et sa Tradition, il suggère cette prière : « Je reconnais, mon Dieu, que mon cœur est tellement endurci et plein des idées, des soins, des inquiétudes et des attachements du monde, que la maladie non plus que la santé, ni les discours, ni les livres, ni vos Écritures sacrées, ni votre Évangile, ni vos mystères les plus saints, ni les aumônes, ni les jeûnes, ni les mortifications, ni les miracles, ni l’usage des Sacrements, ni le sacrifice de votre corps, ni tous mes efforts, ni ceux de tout le monde ensemble, ne peuvent rien du tout pour commencer ma conversion, si vous n’accompagnez toutes ces choses d’une assistance toute spéciale de votre grâce [3] ». Au jeune de milieu aisé et de bonne éducation même chrétienne, Pascal lui enseigne à ne pas s’en contenter et encore moins à s’en vanter, mais à relativiser ces dons de la naissance et avantages sociaux et à s’en libérer pour naître d’En-Haut (Jn 3, 1-21 ; Mt 10, 17-22 ; Ph 3, 7-8). Il a renoncé à son esprit propre, « à cet esprit qui rapporte tout à soi, qui veut la réussite immédiate, qui s’irrite contre les obstacles, et couvre son désir de vaincre du désir de faire triompher la vérité [4] ».

Il lui montre la nécessité d’une continuelle conversion, d’un abandon à Dieu pour ne vivre que de sa grâce et d’une soumission à son Fils, le Christ : « Renonciation totale et douce, Soumission totale à Jésus-Christ [5] ».

Un combattant de la foi

Ses Provinciales ont souligné les dérives de la casuistique des jésuites, mais aussi les dangers de cet art de raisonner pour la vérité de la foi. Ceux-ci en effet n’hésitaient pas à adapter les exigences de l’Évangile aux modes de vie de leurs dirigés, choisis avant tout dans les classes dirigeantes de l’époque. Ces Lettres traduisent son scandale face à l’accommodation de la morale évangélique par les membres de cette Compagnie de Jésus au moyen de raisonnements fallacieux. Ils enlevaient à l’Évangile tout son sel. Ils le dénaturaient. Face à eux, Pascal proclame le primat des réalités d’En-Haut, de la loi du Christ et des vérités de l’Évangile. Il y va en effet de la pureté de la foi, du respect de la Parole de Dieu, de l’adoration et de l’amour de son Nom. Les Provinciales manifestent certes la fougue de sa jeunesse dans la foi, et certaines de ses expressions sont parfois jugées outrancières : « Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le ciel : Ad tuum, Domine Jesu, tribunal appello, (Seigneur Jésus, j’en appelle à ton tribunal) » et « L’Inquisition et la Société (de Jésus), les deux fléaux de la vérité » (fragments publiés à la suite des Pensées, Lafuma 920/Sellier 750). Dans un écrit de 1658, il ajoute : « Ce qu’il y a de plus pernicieux dans ces nouvelles morales est qu’elles ne vont pas seulement à corrompre les mœurs, mais à corrompre la règle des mœurs, ce qui est d’une importance tout autrement considérable. C’est un mal bien moins dangereux et bien moins général d’introduire des dérèglements en laissant subsister les lois qui les défendent, que de pervertir les lois et de justifier les dérèglements [6] ».

Sa conversion au Christ n’a pas eu le temps de vieillir, ni de s’attiédir. Elle est demeurée absolue. Un mois et demi seulement après le 23 novembre 1654, la Nuit de feu, il se rend à Port-Royal des Champs le 7 janvier 1655 pour y vivre comme les autres solitaires dans une cellule, dans une recherche assidue de Dieu, à travers notamment un lever quotidien à cinq heures du matin, la récitation de tous les offices, de prime à complies, et la pauvreté sous l’autorité d’un directeur spirituel.

Il poursuit longtemps ses recherches scientifiques tout en menant une vie ascétique malgré sa santé de plus en plus déficiente et en continuant de consigner ses Pensées sur des bouts de papiers. Dans les quatre dernières années de sa vie, il découvre les bases du calcul de l’infini et du calcul intégral. La mort ne lui pas laissé le temps de mettre en forme et finaliser plusieurs de ses œuvres et notamment ses Pensées : elles demeurent ainsi le jaillissement, les éclairs d’une intelligence exceptionnelle plus que de longues analyses et raisonnements. Pascal meurt relativement jeune, à 39 ans, le 19 août 1662. Il n’a donc pas connu le vieillissement du corps, la lente diminution des facultés intellectuelles et spirituelles, les déceptions et les désenchantements qui accompagnent bien souvent les derniers âges de la vie.

P. Paul Cocard

  • [1] Blaise Pascal, Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies.
  • [2] Blaise Pascal, Mystère de Jésus.
  • [3] Blaise Pascal, Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies.
  • [4] Jacques Chevalier, Pascal, 1944, p. 108.
  • [5] Blaise Pascal, Mémorial.
  • [6] Blaise Pascal (auteur présumé), Factum pour les Curés de Paris.